samedi 8 décembre 2007

de la gratuité

Pas la peine que Beaux arts magazine fasse son dossier sur le sujet : nous savions tous que ce n'est pas le prix du billet qui empêche d'aller au musée ceux qui n'y vont pas.
Certes, l'avantage de la gratuité, c'est qu'elle permet de se laver les mains des véritables enjeux de la démocratisation culturelle : j'ai fait la gratuité, on ne peut plus rien me reprocher, se dit l'hôte de l'Elysée.
Il y a plus d'un paradoxe à souligner :
- les catégories sociales les plus défavorisées (en regard des statistiques économiques) ne réagissent pas à la gratuité : la gratuité des musées de la Ville de Paris n'a profité qu'aux multi-visiteurs, qui auparavant payaient leur billet (notons toutefois que la gratuité a modifié leur usage du musée, faisant de celui-ci un lieu convivial);
- le même gouvernement qui fait la chasse à la gratuité sur internet met en oeuvre la gratuité pour la culture muséale : quelles conceptions cette différence de traitement met-elle en lumière?
- l'Etat, encore lui, s'abonne à la gratuité de la culture : depuis 2003, 30% des intermittents ont été rayés de leur régime d'assurance-chômage, et, depuis avril 2007, ce sont 30.000 artistes qui sont condamnés au RMI...
- les clubs et salles qui, à Paris, menacent de mettre la clef sous la porte sont ceux qui font payer l'entrée (le Nouveau Casino et la Scène Bastille sont en grande difficulté); à l'inverse, les salles à entrée gratuite (Triptyque, Flèche d'Or...) gagnent pas mal en ne faisant payer que les consos (jusqu'à 7€ le demi à la Flèche!)... Mais quelles sont les conditions d'accueil et de rémunération des artistes qui s'y produisent?

Ces différentes interrogations se chevauchent et entrent en collision : il va falloir bouger, sans s'agiter, pour que cette tectonique recompose un paysage culturel viable, juste et équilibré.

1 commentaire:

Anamnesis a dit…

La gratuité suppose l'évidence. Suppose qu'on ne puisse pas manquer de la chose qu'on ne paie pas, qu'elle est si abondante qu'il ne sert à rien d'en marquer l'acquisition. L'air qu'on respire, par exemple, est gratuit.
Ne pas payer pour entrer dans un musée, ne faire valoir aucun droit, c'est dire: ces oeuvres sont aussi évidentes que l'air que je respire. Je ne peux pas imaginer qu'elles puissent ne pas exister.
Toujours une question de gros sous; d'un côté, la démagogie qui se voit, et qui rapporte, et qui fait qu'on gratuicise à tour de bras certains pans de la culture, de l'autre, l'aculturation abrutissante, de plus en plus chère et de plus en plus prisée. Le comble, c'est que nous vivons dans une société où il faut payer pour voir TF1, et où l'on peut rentrer gratuitement, souvent, au Louvre. Les gens vont-ils davantage au Louvre? Non, ils regardent davantage TF1.
Freud, sur l'argent, ne s'était pas trompé.